Sur le logement social, les élus s’emballent
Le nouveau Contrat de mixité sociale 2023-2025 abaisse l’objectif de rattrapage du nombre de logements sociaux manquants à Aix-les-Bains. Du bon sens pour la majorité pour qui les chiffres imposés par la loi sont infondés et inadaptés aux réalités du territoire. Pour l’opposition, c’est au contraire une volonté politique de ne pas produire de logement social.
Une heure, c’est long. Le logement social aura occupé une grande partie du conseil municipal de ce mardi 5 mars. Sujet toujours aussi épineux à Aix-les-Bains. Deux chiffres résument la situation, glissés par le conseiller d’opposition (Aix Naturellement, le groupe conduit par Marina Ferrari) Christian Pelletier : 1 760 demandes en cours et seulement 141 attributions en 2023.
Ce soir-là, il s’agissait de voter le Contrat de mixité sociale (CMS) nouvelle génération fixant les objectifs de production de logements sociaux sur la période 2023-2025. Il se trouve que ce contrat, qui va être signé avec l’Etat, abaisse l’objectif de rattrapage, passant de 33% à 25% du nombre de logements sociaux manquants (233 à réaliser), dont au moins 70 PLAI (très sociaux) et au maximum 70 PLS (moins sociaux).
Un nouveau contrat qui va dans le bon sens, justifie Thibaut Guigue, vice-président au logement à Grand Lac, car «à l’impossible nul n’est tenu. La loi SRU fait l’objet de débats. On est ouverts à l’idée de voir les règles bouger car encore faut-il que les bailleurs sociaux puissent produire du logement social dans un contexte d’augmentation du coût des matériaux et d’une construction neuve quasiment à l’arrêt». Il rappelle les efforts de la Ville en la matière, passée de 13% de logements sociaux en 2014 à 21% en 2022, «tout en démolissant 300 logements au Sierroz et 144 à Marlioz».
Insuffisants pour l’élu d’opposition vert Daniel Carde contestant ce nouveau CMS. Il dénonce «une gentrification de la ville» repoussant plus loin les personnes aux faibles moyens. «Depuis des décennies, on n’a pas fait l’effort de construire du logement social et maintenant qu’on manque de terrain, on est aux abois», juge-t-il.
Loi SRU : «Des chiffres nés du cerveau de bureaucrates»
Le maire, Renaud Beretti, estime avoir fait sa part en matière de logement pour les personnes les plus précaires en dépassant, sous le dernier triennal, les 40% de PLAI. Même s’il admet n’avoir pu atteindre les objectifs quantitatifs, «dans un contexte de Covid», insiste Thibaut Guigue.
«Est-ce que les Aixois veulent du logement social de partout ? Je ne crois pas», tranche le maire, pour qui la loi SRU aux «chiffres nés du cerveau de bureaucrates sous Hollande et Macron» est une loi punitive. «A l’époque, on était assujettis à 20% de logements sociaux, que nous avons atteints péniblement, puis brutalement à 25% en nous rattachant à l’aire urbaine de Chambéry, soit 1 000 logements à produire, ce qui est fantaisiste, sauf à recréer des ghettos sociaux. L’Etat est paradoxal : il demande de produire des logements sociaux mais d’en construire moins lors des opérations de renouvellement urbain. Au total, 444 logements sociaux ont disparu. Offre, certes, reconstituée, mais pas totalement. On a produit du logement social réparti à travers la ville et on espère bien, à travers ce CMS et la future loi logement, revenir à quelque chose de raisonnable», argumente le maire.
Carence : un choix politique selon l’opposition
Christian Pelletier pointe les «262 logements sociaux seulement produits entre 2019 et 2022. Dès 2020, notre équipe a alerté à plusieurs reprises sur le risque de carence et de difficulté croissante à se loger. Notre inaction devrait coûter aux Aixois 800 000€». Pour l’élu du même groupe, Gilles Camus, cette carence est le fruit d’une politique assumée de refus de remplir les objectifs.
Un chiffre balayé par Renaud Beretti. «Vous racontez n’importe quoi », objecte-t-il. Thibaut Guigue évoque bien une pénalité de carence «mais nous ne payons pas ce montant-là car s’enlèvent des déductions puisque nous avons mis en oeuvre des actions pour favoriser le logement social».
Quid de l’avenir ? Nicolas Vayrio, adjoint à l’urbanisme, déroule les chiffres : sur les 233 logements prévus au CMS, 168 ont vu leur permis de construire délivrés. «Encore faut-il qu’ils soient mis en oeuvre.»
«La vraie difficulté, c’est le logement des classes moyennes»
Pour Thibaut Guigue, le vrai problème, c’est le logement des classes moyennes qui pourraient être éligibles au logement social mais ne le peuvent pas, vu le faible taux de rotation du parc social (4%). «Sur le territoire, parce que l’Etat y a mis fin, il n’y a plus de dispositif Pinel qui encadre les loyers. Quand un bailleur social fait du logement intermédiaire, on l’oblige à faire des PLAI à côté, ce qui baisse sa rentabilité. Les logements intermédiaires n’émergent donc pas. La loi SRU, non seulement nous sanctionne alors qu’on joue le jeu, mais en plus nous empêche de livrer des logements dont on aurait besoin.»
Le conventionnement des logements par Grand Lac pourrait être une solution, mais il faut y mettre les moyens pour inciter les propriétaires à accepter de plafonner leurs loyers en contrepartie d’aides financières à la rénovation et fiscales. «Il y a dix ans, l’aide accordée par Grand Lac et la Ville était de 1500€ pour six ans. Aujourd’hui, pour qu’un propriétaire s’y retrouve financièrement, il faudrait 8000€. Ce choix, nous l’avons porté à Grand Lac dans le cadre de la plateforme de rénovation énergétique des bâtiments à travers une enveloppe de 4 M€ de subventionnement aux bailleurs privés, qui ne sera pas entièrement consommée. Nous avons décidé de mettre un peu plus de sous dans l’aide à ceux qui veulent conventionner leur logement.»