Un atoll dédié au surf au cœur de la Savoie

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Aix-les-Bains devrait voir déferler, d’ici fin 2023-début 2024, une vague artificielle et écologique sur un atoll flottant au milieu du lac du Bourget, devenant ainsi une véritable destination de surf au pied des Alpes. Créée par Laurent Héquily et son équipe, la Okahina Wave est la première vague synthétique de surf capable de restaurer la biodiversité des milieux aquatiques dégradés. Inspirée du fonctionnement naturel des atolls polynésiens, la structure sera positionnée sur la surface du lac. Des vagues de 60 cm à 1,60 mètres seront projetées de l’extérieur vers l’intérieur du lagon, permettant la pratique de ce sport qui est difficilement accessible aux personnes éloignées des océans mais qui attire chaque année de plus en plus de monde.

Origine du projet

Le projet est porté par la société française Greentech Waveriding Solution qui a travaillé durant 6 années sur sa conception et son perfectionnement. Cette innovation a été fabriquée et développée en France, et son procédé est breveté dans 44 pays. Reconnue économiquement rentable et bénéfique pour l’environnement, la Okahina Wave a reçu le label «Solar Impulse  Efficient Solutions» par la fondation suisse Bertrand Piccard  qui  considère ce projet comme étant une des «1 000 solutions qui pourraient changer le monde». Depuis près d’un an, Grand Lac et l’équipe d’Okahina  travaillent en collaboration pour étudier la faisabilité technique et économique du projet, dont le coût s’élève à près de 10 millions d’euros, qui sera exclusivement développé par des financeurs privés et ne touchera donc pas à l’argent public. «Nous n’aurions pas imaginé qu’une entreprise puisse concevoir le développement du surf d’une telle façon, grâce à l’implantation d’un spot sur un plan d’eau existant, ici en l’occurrence sur le plus grand lac naturel de France, tout en respectant l’environnement» déclare Michel Frugier, vice-président de Grand Lac en charge du tourisme qui, avec son équipe, a rencontré les services de l’Etat concernant les diverses autorisations techniques, en sachant que pour l’aboutissement et la concrétisation du projet, il faudra également l’acceptabilité de Grand Lac.

Atouts de l’atoll

Aix-les-Bains est considérée comme une véritable station nautique et touristique où se pratiquent de nombreuses activités sportives tels que l’aviron, la voile, la plongée, le paddle, le ski nautique et autres sports de glisse. «Il manquait le surf, pour des raisons purement matérielles» précise Michel Frugier, lors de la présentation officielle du projet, vendredi 15 octobre, aux côtés de Laurent Héquily, ajoutant que ce projet sera un véritable atout pour le tourisme, notamment auprès des jeunes : «Aix-les-Bains travaille beaucoup sur le développement du sport nautique durant la période estivale mais l’avantage de cette activité à venir est qu’elle sera accessible  les ¾ de l’année, la plupart des surfeurs aimant monter sur leur planche pendant plusieurs saisons, même lorsque l’eau est en dessous de 15°. Ce qui génèrera de belles retombées économiques sur l’hébergement, les restaurants, les bars, en sachant qu’il s’agira d’une clientèle plutôt jeune» ajoute Michel Frugier.

L’atoll, installé sur un plan d’eau déjà existant (mer, lac plan d’eau en zone urbaine) se monte et se démonte en seulement quelques semaines, n’ayant aucun impact négatif pour l’environnement Il s’agit de la reconstitution d’un lagon sur lequel sont fabriqués différents types de vagues générées par 3 moteurs installés en surface, dont la consommation énergétique est la même que celle d’un moteur de Tesla Model 3 ou que le fonctionnement d’un réfrigérateur durant tout un mois de septembre.  Cette infrastructure produira des vagues creuses et tubulaires toutes les 11 secondes, pour un temps de ride de 30 secondes environ, s’adressant aussi bien aux surfeurs débutants qu’aux experts. Tout autour de la structure, le plan d’eau restera parfaitement calme car aucune onde ne se propagera à l’extérieur de l’atoll.

L’installation de cet atoll permettra aux personnes vivant loin des spots naturels d’avoir accès à la culture «surf» et de pratiquer cette discipline, devenue olympique, qui fait tant rêver et attire de plus en plus les foules. Laurent Héquily évoque même une «nouvelle ruée vers l’or», tant la croissance de la pratique du surf  auprès du grand public est en plein essor : + 34% entre 2012 et 2020.

«Notre métier n’est pas de fabriquer et vendre des vagues de surf mais de créer de nouvelles destinations «surf» autour d’une technologie propriétaire que nous développons nous-mêmes et que nous exploitons ensuite. Il est intéressant pour nous de rencontrer des acteurs du territoire, vivant loin des spots de surf naturels, qui comprennent ce que l’on fait et y trouvent un intérêt. L’objectif n’est pas de monter un maximum de sites ou de vagues, c’est de chercher des beaux sites où notre projet fait sens d’un point de vue à la fois économique, sociétal, environnemental » explique Laurent Héquily.

Alternative aux piscines à surf

Contrairement aux piscines à vagues  qui se sont beaucoup développées ces dernières années, et dont l’impact environnemental est fort, la Okahina Wave ne dégradera aucun site naturel.

«Aucune de nos constructions ne contient du béton et nous avons pour ambition de restaurer la biodiversité des milieux aquatiques dégradés» déclare Laurent Hequily. Ces constructions semblent donc être une alternative environnementale. «La préservation et la réparation des milieux aquatiques seront rendues possibles grâce à la création d’îlots de fraîcheur, par l’oxygénation et le renouvellement de l’eau au profit de la biodiversité, à l’intégration de nurseries à poissons et de récifs artificiels au profit de la faune piscicole» ajoute le fondateur de la Okahina Wave. Les piscines à vagues, quant à elles,  nécessitent une artificialisation des sols et l’écoulement de béton, matériau très carboné, engendrent également une forte consommation énergétique et utilisent énormément d’eau potable (300 millions de litres d’eau, selon l’association Synapse Crew Europe). De plus, d’un point de vue économique, elles ne sont pas rentables car en plus des coûts d’opération très élevés, il faut ajouter le prix du foncier. Le montant d’investissement du projet «Okahina» est 2,4 fois inférieur à celui des piscines en béton et ses coûts d’exploitation sont nettement moindres.

Ainsi, d’après les porteurs du projet, ce nouveau spot de surf, innovant, insolite, viendra enrichir l’offre d’activités nautiques déjà proposées à Aix-les-Bains Riviera des Alpes et sera un véritable atout sur le plan économique, touristique, sportif et ludique, rendant la pratique du surf accessible au plus grand nombre sur le territoire alpin français où la culture «glisse» est enracinée et ne demande qu’à déferler sur le lac du Bourget.

Cet enthousiasme est loin d’être partagé par tous les élus et des divisions au sein même du conseil d’agglomération de Grand Lac se font déjà sentir. Marie-Claire Barbier, Vice-Présidente en charge de l’environnement, de la gestion du lac, de la transition énergétique et Présidente du Comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget (CISALB), affirme, via sa page Facebook, son opposition catégorique à ce projet qu’elle qualifie de «Riviera du grand n’importe quoi ! « ajoutant que «le Lac du Bourget n’est pas l’Océan Pacifique !» et qui selon elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’un tourisme respectueux de l’environnement, Dominique Fié, conseiller de l’opposition (la France Insoumise) a quant à lui déclaré son indignation, rejetant l’argumentation environnementaliste dont se justifie l’entreprise «Okahina Wave» concernant l’oxygénation du lac et la lutte contre les cyanobactéries, expliquant que selon lui, elle est «destinée à «faire mieux accepter une opération commerciale juteuse».

La Okahina Wave semble ainsi déjà faire des vagues.

 

Claire Castelar

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