«Un endroit qui nous ressemble»
«On sait bien que c’est éphémère ! Et qu’un jour, on devra partir. Mais cela aurait été dommage de ne pas utiliser cet espace tant qu’il est libre».
Derrière les grilles des anciennes tanneries de Rumilly, derrière la gare, les passants jettent un œil, intrigués par les peintures murales de l’entrée et les inscriptions qui incitent à une réflexion sur «l’esthétique relationnelle». Intrigués et, pour certains, un peu inquiets. Mais qui sont ces «squatteurs» à quelques dizaines de mètres du centre ville et du Quai des Arts ?
«Squatteurs, non !». Musiciens, peintres, sculpteurs, bricoleurs ou simplement ouverts au monde, les occupants temporaires de cette friche industrielle en ont fait un lieu de culture alternative et de point de rencontre d’initiatives nouvelles.
Des projets qui se réalisent «C’est un endroit qui nous ressemble».
En fait, tout a commencé par une folle envie ! Celle d’organiser, un dimanche après-midi, un événement musical dans les immenses hangars, abandonnés, des anciennes tanneries.
Une scène pour les groupes de musiciens amateurs que les «grandes» salles et autres lieux de culture officiels répugnent à programmer.
Dire que les choses ont été faciles serait un peu excessif… Mais le dialogue a pu s’établir tant avec les autorités qu’avec les propriétaires des lieux. Et l’aventure a pu continuer, sous une forme un peu différente. Plus de concerts, si ce n’est dans le cercle très restreint des musiciens eux-mêmes, mais une foison d’initiatives, des projets qui ont fleuri et continuent de fleurir.
En vrac, des résidences d’artistes qui trouvent là des espaces de création exceptionnels. En témoignent les nombreuses œuvres de «street art» qui ont transformé les austères murs de l’ancienne usine. Mais aussi des ateliers, une «friperie», une brocante, une bibliothèque, un rucher, un jardin, etc.
«Ouvert, sans prosélytisme»
Pour officialiser la naissance du collectif à l’origine de cette floraison, l’association «Les Tanneries» est née, enregistrée en 2017 en Préfecture comme il se doit.
Pour développer aussi bien des réseaux d’artistes amateurs qui trouvent là la possibilité de s’exprimer, que des actions à caractère culturel, social, écologique, etc. «Politique» au vrai sens du terme, «sans schéma idéologique».
«Culturel» au travers de rencontres musicales que permet un studio de répétitions Ou en accueillant les «bombes» et pinceaux d’artistes aux influences diverses, ou les spots de photographes ou vidéastes qui trouvent dans la «friche» (qui n’en est plus vraiment une !) des décors exceptionnels.
Certains de ces artistes ont installé leur atelier de création. D’autres s’essayent à des techniques nouvelles.
«Social» car les membres des «Tanneries» s’impliquent dans la vie locale. Chaque semaine, les mercredis d’hiver, la soupe est offerte gratuitement à tous, «entre le poulailler et le jardin». Un groupe est même parti à Annecy pour, là aussi, distribuer la soupe aux plus nécessiteux. Et, sur le marché de Rumilly, on a vu ces «doux activistes» distribuer à qui en avait besoin les semences en excès issues de leur jardin bio.
«Ecologique», même si on ne prononce pas forcément ce mot, on le vit. En témoigne, outre le jardin et sa serre toute neuve, le four à pain auto construit, le rucher, le poulailler, les toilettes sèches et tout le réseau de «récup» qui prône «une autre façon de concevoir la vie», des actions fortes au plan local.
Un exemple ? En octobre dernier, les membres de l’association ont invité les volontaires à un vaste nettoyage des berges du Chéran durant une journée entière. La «récolte», abondante il faut bien le dire, a été le prétexte à une sculpture «participative» à partir des déchets ramassés, avant une «conférence gesticulée» sur la gestion et la production des déchets en France et un concert de musique grecque.
«On préfère faire plutôt que tenter de se convaincre qu’on a raison» : c’est peut-être la phrase qui résume le mieux les ambitions «politiques» du groupe des Tanneries. Et «faire», c’est devenu une habitude des adhérent(e)s de l’association. Nombreux, les adhérent(e)s puisque, autour du groupe d’une quinzaine des plus actifs, on compte entre 250 et 300 membres qui, au fil des jours, fréquentent ce «lieu de partage et de création».
Redonner du sens
Impossible en quelques lignes, de donner une image fidèle de cet endroit que nombre de rumilliens ignorent (ou redoutent…). Entre la salle d’accueil où le café à lui seul est déjà une invitation, la friperie ou la brocante où les objets trouvent une seconde vie, le grand hangar où se côtoient grapheurs, menuisiers, sculpteurs, le jardin et tout le reste, c’est vraiment un endroit «qui leur ressemble». Et que même les voisins immédiats ont fini par adopter…
Alors, oui ! Un jour, il faudra qu’ils déménagent et acceptent de voir disparaitre cet endroit exceptionnel pour laisser place, sans doute à de nouveaux immeubles. Mais en attendant, cette bande de doux dingues - qui le sont peut-être moins qu’on veut le dire - ont bien raison de mettre en pratique un de leurs slogans.
«Puisque l'imagination n'a pas de limite, réinventons un sens à ce qui à été abandonné».
Pour en savoir un peu plus, au moins en images, Les Tanneries sont sur facebook (@LesTanneriesRumilly).
Et pour les rencontrer, pousser la grille !