Une commémoration emplie d’émotion !
C'est sous un vent glacial que, dimanche matin, Seyssel s'est rassemblé devant l'école élémentaire Jules Coissard pour rendre un vibrant et solennel hommage aux victimes des tragiques événements de février 1944.
Par sa prestation musicale, la délégation de la Seysselane a apporté tout le cérémonial à cette commémoration suivie, comme chaque année, par une foule nombreuse venue se recueillir devant les plaques commémoratives rappelant combien le Pays de Seyssel avait payé un lourd tribut à la cause de la libération avec ses onze fusillés et ses dix huit déportés dont treize seront exterminés dans l'enfer des camps de la mort.
Parmi l'assistance, on remarquait entre autres le sous-préfet Jean Marc Bassaget, le sénateur Cyril Pellevat, le président du Conseil Départemental de la Haute-Savoie Christian Monteil, le conseiller régional André Vercin, les conseillers départementaux Annie Meuriau et Guy Larmanjat, le président de l'ONAC 74 Jordi Eche-Puig, le président du comité local du Souvenir Français Michel Le Normand, le vice président de la section local UNC-Alpes Roger Depigny, ainsi que les représentants de la gendarmerie, des sapeurs pompiers et du conseil municipal des enfants, ou encore la dizaine de porte-drapeaux d'associations patriotiques sans oublier bien sûr les représentants des familles, et notamment Christiane Hashim, née Borcier, et sa fille Marina qui avaient fait spécialement le déplacement depuis Paris et Marseille.
Simple, mais empreinte d'une grande solennité, la commémoration débuta par un dépôt de gerbe par les maires seysselans et deux jeunes élus.
S'en suivit une minute de silence poignante avant que Ginette Harang, petite fille de Marie Moreilleras, ne témoigne. «Voilà 75 ans, jour pour jour, Seyssel et ses environs sombraient dans la terreur. C'était le jeudi 10 février 1944 ; il neigeait énormément. Les nazis, sous les ordres de Klaus Barbie, investissaient la contrée».
Avec une voix chargée d'émotion, elle relata les événements tragiques de ces quatre journées vécues alors qu'elle était âgée de 12 ans et ½ : les premières personnes arrêtées, dont sa grand mère, et internées dans le groupe scolaire Jules Coissard devenu "Kommandantur" ; le premier homme abattu, René Laplace, alors qu'il tentait de s'échapper ; les rafles à Chanay, Anglefort et Seyssel ; les hommes fusillés parmi lesquels Joseph Borcier, son fils Lucien 17 ans, François Borcier et l’employé de ferme André Fenouillet sous les yeux de Christiane, 10 ans fille de Joseph, et sa maman "témoins du drame horrible que leur infligeaient les nazis".
Puis elle évoqua les prisonniers conduits à la gare pour monter dans des wagons à bestiaux "ignorant ce qui les attendait". Ce fut d'abord la prison du Fort Monluc à Lyon "huit entassés par cellule de 4m2", puis le départ pour les camps de la mort.
«C'est Marie Moreilleras et Pascal Pilloud qui, longtemps après leur retour, nous ont raconté leurs souffrances et celles de leurs compagnes et compagnons dans les camps d'extermination» précisa très émue Ginette Harang avec de lancer cet appel «Soyons vigilants pour la sauvegarde de notre liberté dans ce monde où le négationnisme et l'extrémisme refont de plus en plus surface.
Défendons la Paix, préservons notre laïcité qui permet de vivre ensemble dans la tolérance.
Luttons contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie ; n'oublions pas tous ces enfants, ces femmes, ces hommes qui ont été exterminés dans les camps de la mort nazis pour avoir voulu être libres».
Intervenant au nom des élus, Gilles Pilloux, maire de la rive gauche, tint en premier lieu à remercier Ginette Harang et rendre hommage à son courage, soulignant combien il devait être difficile d'être témoin et de vivre de tels événements. Il la remercia également du travail réalisé chaque année auprès des élèves pour leur expliquer "ce que fut cette période noire de notre histoire".
Dans son propos, il évoqua entre autres la résistance «souvenons nous qu'en pleine guerre, à une période où tout paraissait définitivement perdu, des hommes et des femmes de toutes origines, de toutes convictions politiques et religieuses, se sont dits que tout était encore possible» et d'ajouter «ils se sont battus sans penser à leur propre sort. Cet altruisme, qui a permis à notre pays d'en finir avec cette guerre, inspire le plus profond respect».
À propos de "devoir de mémoire que nous devons aux générations futures", il insista sur le mot "mémoire" qui nécessite des témoignages "c'est ce que fait Ginette Harang", des écrits "ce sont ces plaques commémoratives qui portent les noms de ceux qui ont été sacrifiés" ou encore ce que fait le Souvenir Français qu'il remercia, rappelant alors le film réalisé à l'initiative de son président Michel Le Normand "un film très émouvant, complet et très précis sur les événements de 1944 à Seyssel", invitant l'assistance à le visionner en mairie au terme de la cérémonie. «Ce travail de mémoire est aussi une façon de rendre hommage à ceux qui ont payé de leur vie pour la liberté» conclut le maire avant d'inviter deux jeunes élues du conseil municipal des enfants à venir se joindre à lui pour lire tous les noms inscrits sur les plaques apposées sur le mur de l'école.
Puis il invita Lauriane et Cian, deux collégiennes qui avaient souhaité participer à cette commémoration et qu'il remercia pour "cette initiative respectueuse et remarquable", à venir lire deux poèmes, deux textes poignants : le premier "Je trahirai demain, pas aujourd'hui" écrit en 1943 par Marianne Cohn, résistante qui faisait passer des enfants juifs en Suisse.
Arrêtée en 1944 à Annemasse, elle ne livra aucune information à la Gestapo malgré la torture et fut assassinée à coup de bottes et de pelles ; le second "Il faudra que je me souvienne" de Micheline Maurel, une résistante arrêtée et déportée en 1943 dans le camp de concentration de Ravensbrück dont elle est une des survivantes.
Après avoir lu un passage se rapportant aux événements seysselans dans le livre "La Haute-Savoie résistante, les femmes aussi..." publié par le Souvenir Français, le président Monteil offrit l'ouvrage à Mme Christiane Hashin, aux deux maires de Seyssel ainsi qu'à Mme Puech, directrice de l'école élémentaire, et à M. Muller, principal du collège.
Dernier à intervenir, le sous-préfet Bassaget a exprimé tout l'honneur qu'il avait à participer à cette cérémonie, soulignant l'importance d'être présent «nous sommes là car nous ne pouvons pas, nous ne devons pas oublier ce passé». Il évoqua le respect pour ces victimes, leurs familles «sans respect pas de liberté, pas d'égalité, pas de fraternité» avant de conclure sur la nécessité de "remettre l'humain au cœur des préoccupations de notre société".
La cérémonie s'acheva alors sur un vibrant "Chant des Partisans" entonné par les musiciens et repris en chœur par toute l'assistance.