Véronique Riotton, à l’écoute des électeurs

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Véronique Riotton, députée de la 1ère circonscription de la Haute-Savoie, a vécu une année forte avec la présidence par intérim de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (DDAT). Elle a aussi été rapporteure de la loi sur l’économie circulaire en début d’année. Elle revient donc pour nous sur ces derniers mois mais aussi sur l’année à venir.
Comment s'est passé le retour à l'Assemblée ?
Les sujets qui nous animent principalement, c'est le plan de relance. Après s'être occupés de l'urgence, c'est le plan de relance.
Au sein de la commission du développement durable, on a eu à gérer un sujet qui concernait une réinterrogation de l'utilisation des néonicotinoïdes avec les betteraves. Ça a été un élément important.

«J'ai le collectif chevillé au corps»

Pouvez-vous revenir sur votre présidence de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire obtenue au début de l’été ?
Dans mon activité parlementaire, il y a l'activité un peu technique, il y a l'activité de représentation et il y a mes qualités personnelles. J'ai le collectif chevillé au corps et donc j'aime que les sujets soient portés collectivement.
Au printemps le poste de vice-président s'est libéré et je me suis présentée. J'ai été élue avec les deux tiers des voix, portant une ligne qui est vraiment la mienne. Dans mon engagement sur le développement durable, j'aime à dire que je n'étais pas une écolo avant d'être élue mais que c'est vraiment la réalité de notre département dans sa croissance, son identité touriste, identitaire, de production industrielle, qui m'a donné envie de travailler sur le développement durable pour en faire un développement économique soutenable et durable. Donc dans cette dynamique là j'ai été élue sur une ligne de développement économique soutenable, durable plutôt que sur une ligne trop radicale.
Étant vice-présidente, au départ de Barbara Pompili, j'ai été nommée présidente par intérim jusqu'au 30 septembre et c'est Laurence Maillart-Méhaignerie qui prendra la suite à partir du 1er octobre.

Pourquoi cette autorisation des néonicotinoïdes alors que beaucoup d'associations s'y 
opposent ?
La France, avec la loi de biodiversité de 2016, a interdit les néonicotinoïdes, elle est allée plus loin que n'importe quel pays. Et grâce à cette interdiction, 90% des néonicotinoïdes sont interdits en France, s'il n'y avait pas eu cette loi, on en serait à 20-30%.
Or, cette année la culture des betteraves s'est trouvée en difficultés importantes - là je laisserai notre ministre de l'agriculture expliquer techniquement pourquoi - à cause d'un puceron qui a amené de la jaunisse qui a décimé l'ensemble des cultures de betteraves. Or, on détient la souveraineté alimentaire sur la betterave sucrière en France, et 46 000 emplois en dépendent.
On avait dans le plan de relance un plan d'indemnisation de la filière mais l'objectif était surtout de savoir comment on était capables de faire passer le cap de cette difficulté.
Ensuite, certains disent qu'il y a des alternatives mais en réalité dans cette agriculture, dans ces quantités, aujourd'hui il n'y a pas d'alternative efficace, la recherche n’en a pas encore trouvé. Donc c'est la filière elle-même qui a demandé un temps de dérogation. Au développement durable on aurait aimé contraindre à deux ans, d'ici 2022 puisqu'on est sûrs de notre mandature, mais pour l'instant les besoins de la filière font qu'elle va jusqu'en 2023, permettant ces deux années de cultures puisqu'on alterne.
Sur la question des néonicotinoïdes, soit ça se fait par pulvérisation et ça c'est l'horreur parce qu'on en met partout, soit c'est des petites semences qui sont enrobées, et c’est de ça dont il s’agit. Pour l'instant il n'est pas mis que ça ne s’adresse qu’à la betterave parce qu'on sait bien qu'un texte, pour qu'il ne soit pas révoqué par le Conseil Constitutionnel, ne doit pas contenir de discrimination et on n'arrivait pas à écrire seulement «betterave». Donc on a eu un amendement de notre rapporteur pour écrire qu'il s'agissait d'une culture avant floraison - ça veut dire que les néonicotinoïdes ne sont pas dans les fleurs que pourraient butiner les abeilles - donc ce n'est pas dit textuellement mais ça ne s'adresse qu'aux betteraves donc l'ensemble des producteurs d'autres cultures ne pourront pas utiliser cette dérogation.

«On veut laisser faire       le processus de       concertation»

Vous vous êtes aussi opposée à l'amendement qui interdisait les publicités sur les vols intérieurs en France…
Le 8 octobre, le groupe Écologie, Démocratie, Solidarité (EDS) aura sa niche parlementaire et a déposé un ensemble de propositions de lois dont une dont je serai responsable de texte passe en commission dès la semaine prochaine et s'attaque à la régulation de la publicité ainsi que de faire la corrélation entre publicité et surconsommation.
Il faut savoir que la convention citoyenne, sur 150 mesures, a fait 15 mesures qui concernent la publicité. Les propositions de la convention citoyenne qui ont été retenues font l'objet d'un processus de concertation pour traduire les éléments législatifs dans ce qu'on appeler le projet de loi de la convention citoyenne. Et il devrait intervenir d'ici le premier trimestre 2021.
Et donc cette proposition de loi qui vient d'EDS traite de la publicité et veut développer l'information, interdire les produits qui seraient polluants ou très fortement émetteurs de gaz à effets de serre et interdire les panneaux d'affichage numériques en extérieurs.
Pour notre part, et au nom du groupe que je représente, majoritaire à l'Assemblée, nous débattrons les articles mais nous ne voterons pas ce texte parce qu'on veut laisser faire le processus de concertation décidé dans le cadre de la concertation citoyenne.

Donc si la concertation citoyenne revenait avec un texte similaire, là vous pourriez voter pour ?
On étudiera effectivement les possibilités qui seront données.
Il ne faut pas être dupe, l'ensemble de la publicité concerne les annonceurs, la publicité et donc les publicitaires, qui sont aussi des porteurs de message. Vous en faites partie à travers les médias. Et dans les pubs qui sont dans les médias on a effectivement une éducation à la transition écologique mais il y aussi des vecteurs utilisés par la commande publique pour véhiculer des messages positifs.
Donc tout ça se fait en accord avec les parties prenantes. Ce qui est intéressant, c'est que ça met le débat sur la table et amène une saine pression pour que les secteurs publicitaires engagent une conversion vers la transition écologique et qu'on n'aille pas vers ce qui pourrait s'apparenter à du greenwashing qui ne serait pas très efficace.
C'est un sujet de société qui intéresse tous nos concitoyens. Il n'y a pas une personne qui ne s'intéresse pas à l'effet de la publicité sur la surconsommation.

J'ai vu sur un site internet que vous faisiez partie des députés les plus actifs en commission. Pourquoi ?
Parce que c'est mon boulot.

«Le travail technique m'intéresse pour      contribuer aux sujets     qui sont les nôtres»

On voit quand même qu'en assemblée vous êtes dans la moyenne alors qu'en commission vous vous démarquez.
Le travail en commission c'est là qu’on travaille techniquement les sujets. Donc oui, le travail technique m'intéresse pour contribuer aux sujets qui sont les nôtres.
On ne peut pas être à la fois en commissions et en hémicycle. En hémicycle, vous aurez la même implication sur les sujets qui sont les nôtres et après on va tourner et donc la commission DDAT n'est pas saisie le plus au fond. Des commissaires comme les lois ou les finances ont des textes plus souvent en hémicycle. Si vous regardez une semaine comme celle du 5 octobre, on y sera plus souvent puisqu'il y aura en commission la loi de finances et le 8 la niche parlementaire.
Le site auquel vous vous référez a des critères qui ne reflètent pas forcément la réalité du travail complet. Parce que si on n'est pas en hémicycle ce n'est pas qu'on travaille pas mais on peut être en commission où c'est peut-être plus important.

Est-ce que vous êtes satisfaite de la loi sur l'économie circulaire ?
Franchement, c'est une super loi. Je pense que c'est une loi qui peut changer les comportements des citoyens.
C'est le gouvernement qui l'a proposée, mais il faut avoir en tête que dans le grand débat national, 70 000 contributions sur les 150 000 concernant la transition écologique portaient sur les déchets. On ne va pas réduire l'économie circulaire aux déchets mais ça concerne tout le monde : sur la façon de trier, sur la façon de moins faire d'emballages…
Ce projet de loi a été concerté avec toutes les parties prenantes pendant deux ans et ça a donné lieu à la feuille de route de l'économie circulaire dans laquelle il y avait 50 mesures, donc tout le monde avait déjà envie de bouger les lignes.
L'objectif est de changer de modèle en passant d'un modèle «produire - consommer - jeter» à un modèle qui rentre dans un cercle plus vertueux, pour limiter la consommation des ressources naturelles.
On a deux leviers pour ça : en amont en éco-concevant les produits plus fortement, ce qui oblige les producteurs à changer de mode de production. Et en aval, sur la valorisation des déchets pour en faire à nouveau des ressources, c'est un peu le principe de l'économie circulaire.
Là où j'en suis fière, c'est qu'il y a des choses très concrètes qui changent dans la vie quotidienne des gens. Par exemple, quand on achète quelque chose, on n'a pas d'affichage qui se soucie de l'ensemble de vie du produit. J’aime bien l’exemple du vélo en Haute-Savoie : tout le monde cherche à s’acheter un vélo carbone mais est-ce que tout le monde en a besoin pour le dimanche ? On peut se poser la question alors qu'on sait recycler l'aluminium et l'acier inoxydable mais pas le carbone.
On a décidé de faire un affichage environnemental qui sera un peu sur le modèle du nutriscore ou des électroménagers. Il y aura également un indice de réparabilité sur les produits ménagers ou électroniques pour encourager à l'achat d'un produit plus réparable.

«Les acteurs sont prêt à mettre [la loi] en œuvre»

Il y a eu certaines critiques qui disaient que cette loi n'allait pas assez loin. Que pouvez-vous répondre à ça ?
Il y a une mesure emblématique, c'est la sortie des emballages à usage unique à l'horizon 2040. Il faut bien se rendre compte que le plastique est apparu il y a 70 ans et qu'il a envahi notre vie. Si on va sur un tapis de caisse de supermarché, tous les produits en contiennent. On connait toute la difficulté de le recycler et qu'il se retrouve dans les océans, donc tout le monde s'accorde à dire qu'il faut bouger les lignes.
Pour tout le processus industriel, on est en train de dire qu’il faut passer à du plastique 100% recyclé et changer l’outil de production, par étapes. Donc cette loi va très loin mais elle ajoute une trajectoire pour aider les industriels à sortir de cette dynamique, à innover et à changer les comportement.
On peut tout caricaturer mais ça a vraiment été une loi qui a été concertée et les acteurs sont prêts à la mettre en œuvre.
On pourrait aussi parler de la consigne qui va complètement dans le sens de la directive de l'Europe qui va nous obliger à collecter 90% des bouteilles plastiques alors qu'on en collecte 57% actuellement en France.

«Ma présidence de          la commission a plutôt été saluée par                les oppositions»

D'un point de vue plus personnel, que tirez-vous de cette expérience de rapporteure ?
Une technicité importante. Le projet de loi est d'abord passé par le Sénat, il avait 1" articles au départ, il finit à 130 articles.
Ce que j'ai apprécié dans cet exercice, c'est d'être à l'interface entre les parties prenantes, le travail de députés et d'avoir à dessiner sur une ligne de crête ce qui était à la fois un objectif ambitieux et concret à mettre en œuvre.
Souvent, quand on veut pousser les lignes en matière de transition écologique, on se heurte à la libre circulation des marchandises en Europe et donc de ne pas faire de concurrence déloyale pour nos entreprises qui exportent à l'étranger ou celles qui importent et donc de dire que finalement on interdirait quelque chose en France qui ne paraitrait pas efficace à l'extérieur. Donc toute la ligne de crête c'est dire qu'on est ambitieux, on montre l'exemple, on amène la dynamique au niveau de l'Europe et on embarque aussi les entrepreneurs et ça je crois que c'est réussi. En tout cas la méthode concertation l'a permis.
Je crois que ce qui m'a été reconnu, c'est la capacité à prendre en compte le travail des autres députés, de prendre en compte le travail trans-partisan. Il faut souligner que ma présidence de la commission a plutôt été saluée par les oppositions. C'est toujours une reconnaissance de pouvoir dire que c'est un travail fait en bonne intelligence au service de la transition écologique.

Sur l'année à venir, quels vont être les gros dossiers sur 
lesquels vous aller mettre votre priorité ?
Cet automne, là je fais le lien avec la Haute-Savoie, c'est le plan de relance. Ce plan de relance est très très ambitieux et porte sur trois axes.
Un axe sur la transition écologique avec des appels à projets, il y a 30Md sur les 100Md dédiés à cette transition écologique. Un deuxième axe sur la compétitivité avec toute la baise des impôts de production et un troisième axe qui est sur la cohésion avec des mesures qui sont en faveur notamment de l'emploi des jeunes qui courent un vrai risque d'être sur le carreaux.
Le plan de relance a été annoncé, le projet de loi va être déposé en conseil des ministres le 28 septembre, donc on va vérifier que ce plan de relance se trouve bien dans la capacité à être budgété et financé. Donc le travail d'apport sera sur la loi de finance mais j'ai vraiment l'intention que toute nos entreprises, y compris localement, puissent bénéficier de ces mesures.
Il y a vraiment des dispositifs où on est capables d'accompagner les investissements et l'outil de production et de développement des entreprises qui doivent pouvoir bénéficier de ces coups de pouce de l'État pour faire en sorte que l'économie reparte.
Donc ma volonté est vraiment de faire connaitre le plus possible ces dispositifs our que les entreprises qui peuvent en bénéficier le fassent réellement. Quand on travaille à des textes opérationnels, l'important c'est de voir la retranscription complète sur le terrain.
Pour donner un peu plus de perspective, sur l'année qui vient je serai attachée à regarder la loi autonomie grand âge. Je suis également impliquée dans la proposition de loi qu'ion initiée trois de mes collègues sur la santé au travail.
Et j'ai évidemment parlé de la convention citoyenne qui sera notre gros morceau au sein de la commission du développement durable mais qui serai traitée de manière transversale avec les cinq dimensions : se nourrir, se déplacer, se loger, mieux consommer, mieux produire et travailler.

Comment allez-vous 
continuer à rester proche 
de vos administrés ?
La semaine dernière j'étais à Talloires, c'est un vrai bon moment. Ça prend toujours des tournures différentes, quelquefois ce sont des sujets individuels, parfois c'est un débat autour de ce que je suis en train de faire. Et puis c'est un temps de rencontre avec les élus. Ça me permet de faire le lien entre ce que je fais au niveau législatif et ce dont les collectivités peuvent se saisir.
Par ailleurs, à chaque fois que j'ai un projet de loi qui m'est proposé, quand ça dépend de ma commission je travaille techniquement dessus, mais quelquefois les citoyens peuvent s'en saisir. Et j’envoie le projet de loi correspondant à tous ceux qui m’ont sollicité sur un sujet en leur demandant leur avis.
Et puis là, très concrètement, on va faire la présentation du plan de relance aux entreprises avec le CAE à Rumilly.
Une partie importante de ma mission est de savoir comment récupérer les informations de ce que vivent les gens pour savoir comment le transformer et à l'inverse, demander du feedback sur ce qui est proposé.
Je ne suis pas une technicienne de la loi au sens juridique du terme, j'ai mes équipes qui le font. Moi mon job c'est d'écouter et de voir comment on peut rendre la vie meilleure aux gens.
Propos recueillis par M. H-B, le 25/09/2020

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