Vers la validation de «Scorpion»

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Quartier du Roc Noir, celui du 13ème Bataillon de Chasseurs Alpins où là aussi, ont fini de se préparer pour partir au Mali. Le Colonel Thomas Noizet en est le chef de corps et après trois années passées à la tête du bataillon, il revient sur son parcours, et bien entendu, sur sa mission qui l’attend lui et ses hommes au Mali. Entretien.

Bientôt trois ans que vous êtes à la tête du bataillon c’est pas un peu long tout ça ?

C’est même assez rare. Je crois que de mémoire, mais à vérifier sur le tableau d’honneur, je pense que je suis le deuxième chef de corps à faire celà depuis que le bataillon existe. C’est avec beaucoup d’honneur que j’ai accepté lorsque le Général m’a demandé si je voulais bien rester un an de plus. J’ai tout simplement répondu que je ne voulais pas prendre la place d’un camarade. Trois ans, c’est court et long. Pour moi ce fut une véritable course de fond, mais cela permet aussi de voir le fruit de ses actions que l’on mène et depuis 2018, il y en a quelques unes.

Justement ces trois ans correspondent à la mise en place du système Scorpion au sein du Bataillon ?

Quand je suis arrivé au bataillon, j’ai identifié un certain nombre de défis, dont la transformation que vous évoquez, le programme Scorpion. Tous les 40 à 50 ans, l’Armée de Terre renouvelle son matériel et nous sommes en plein dedans. Lorsque je parle de renouvellement, ce sont surtout en terme de technologie. Par exemple nous abandonnons le Famas qui a fait toutes ses preuves, par un autre fusil d’assaut, le HK. Nous venons de recevoir dernièrement une nouvelle arme de poing, le GLOCK. Mais çà va bien au delà de l’armement comme par exemple mon treillis, traité et ignifugé par exemple, avec d’autres caractéristiques comme l’ergonomie, plus de poches etc. Le programme Scorpion s’intègre dans tout celà. Certes c’est un programme emblématique qui va nous permettre de relever les défis futurs, comme la dématérialisation du champ de bataille, la numérisation du terrain, et l’arrivée de moyens comme le Griffon qui va remplacer nos VABS, mais aussi un sytème d’information et de communication de pointe.

C’est un accomplissement pour moi, car avant de venir ici, j’étais à l’Etat Major des Armées de Terre, au bureau plan, en charge justement de la mise en place de Scorpion dans les unités. En 2018 j’étais le seul à savoir de quoi il en retournait réellement et j’ai pu accompagner et piloter toute la montée en puissance du bataillon. Le fait d’être resté trois ans m’a permis une continuité dans cette montée en puissance et en finalité, d’être déployé en opération avec quelques centaines de mes hommes dans cette bande sahélo-saharienne.

Justement quelle sera votre mission au Mali ?

Nous allons tester et rendre opérationnel pour ceux qui vont nous relever cet automne, le Griffon, notre nouvelle monture, afin qu’ils puissent bénéficier de la pleine capacité opérationnel de ses systèmes à leur arrivée. La monture sera ainsi scellée, rodée et bichonnée, prête à l’emploi.

Mais vous ne resterez pas en base arrière, sous prétexte de ménager votre monture ?

Ha non pas du tout, nous aurons les mêmes missions que nos camarades déployés sur le terrain. Que ce soient des missions de reconnaissance, d’aide à la population, de chasser les GAT, ou d’aider l’armée en place dans ses prérogatives, nous serons aussi en première ligne.

Justement, comme vous l’appelez votre nouvelle monture, a dû avoir besoin de nouvelles infrastructures au sein du Bataillon ?

En effet, avant d’accueillir le Griffon nous avons mené d’énormes travaux pour construire une nouvelle zone technique (ateliers) en bout du bataillon, construite sur la commune de Challes les Eaux, car ici, au PC nous sommes sur la commune de Barby. Cette nouvelle zone technique a été imaginée par un architecte de Chambéry, et nous pouvons être fier de dire que nous avons fait travailler pour la construction, des entreprises de la région, dont une bien connue qui a son siège sur Aix les Bains. Injecté 15 millions d’euros dans l’économie locale était un défi que nous avons pu relever grâce à tous.

Mais on parle de dématérialisation du champ de bataille grâce au système Scorpion, qu’est ce que cela veux dire ?

Ce sytème ne fera pas tout. Si le Chef n’est pas bon en technique de combat, il aura beau avoir la meilleure technologie, il ne sera pas le meilleur. Cet outil permet de connaitre en temps réel et sur carte, la position des amis, mais aussi celle de l’ennemi. Exemple simple que nous avons rencontré lors d’une manoeuvre au Centac (Centre d’Entrainement au Combat à Mailly-le-Camp). Nous quittions notre campement, de nuit, pour nous rendre sur la zone de combat et l’exercice n’avait pas encore commencé. Il faut imaginer un convoi de 5km se déplaçant. Et tout à coup, un des véhicules a essuyé des tirs ennemis (à blanc je vous rassure). Grâce au sytème Scorpion, le véhicule a pu donner précisément sa position où l’embuscade était tendu, en précisant aussi les moyens engagés contre eux. Et tout le monde dans le convoi recevait cette information en même temps. Le Capitaine commandant la manoeuvre, pouvait ainsi visualiser précisément quel véhicule était ainsi pris à parti. Le fait de dématérialiser le terrain, d’avoir un visuel en temps réel des différentes positions amis, car souvent nous travaillerons avec d’autre régiment, d’autres pays engagés aussi sur certaines missions avec nous, cette dématérialisation permet de « libérer » une petite partie du cerveau du Chef qui a à conduire les opérations pour s’axer d’avantage sur la tactique à employer. Et quand on pense qu’en opération extérieure, les convois peuvent s’étaler sur 25 km….

Vous êtes à quelques semaines de partir, vous vous sentez prêt ?

Nous sommes en préparation tout au long de l’année et pas que lorsque nous savons que nous partirons en Opération Extérieur. La préparation se fait à tous les niveaux, individuelle, collective. On s’entraine aussi en montagne, car nous sommes certes des fantassins, avec un plus, notre spécificité montagne. Au Mali, nous aurons deux ennemis : la montagne aride et ses conditions climatiques, mais aussi ces GAT (Groupement Armée Terroriste). Il faudra arriver à se faire du premier ennemi un allier, d’où nos entrainements quotidiens, même si pour valider certains acquis avec le Griffon, nous avons passé une bonne période hivernale…. en Champagne.

Comment va s’organiser la base arrière en votre absence ?

C’est pas parce que le chef est parti qu’il y aura une pause au Bataillon, même si nous serons en période estivale le rythme ralentira un peu mais nous avons quand même du sentinelle, des gardes et de l’entraînement à faire. Notre travail ne s’arrête jamais. Nous avons besoin de préparer l’avenir, il y aura une nouvelle promo de jeunes engagés. Nous avons aussi une cellule famille qui aidera ceux et celles restés en base arrière.

Trois ans, et j’imagine, votre successeur arrivera cet été ?

En effet mon successeur le Colonel Moussu, dont son père été aussi chef de corps du 13, prendra le commandement au mois de juillet. Il connait bien le Bataillon car il y a servi, donc je me fais aucun soucis pour la passation. Pour ma part, une fois que tout le monde sera rentré de la mission, le matériel réintégré, je partirais pour l’Ecole de Guerre à Paris. Non pas pour y suivre une scolarité car je l’ai déjà faite, mais pour y être instructeur. Notamment sur le programme Scorpion, où je pourrais faire bénéficier de mon retour d’expérience opérationnel. Sur ce sujet là je pense avoir acquis une certaine légitimité.

Est ce que le Bataillon recrute toujours ?

En effet, et j’invite tous les Savoyards, Dauphinois, et même de plus loin à nous rejoindre. Il faut dire que j’ai un impératif de jeunesse au Bataillon. La moyenne d’âge est de 25 ans. L’impératif de jeunesse implique qu’il y a un flux à entretenir, un flux de départ aussi puisque certes les gens ont vocation à progresser et ne le font pas nécessairement au sein du même bataillon. Cela veut dire que ce qui est capital c’est que ceux qui partent, partent heureux en ayant accompli leur mission et qu’ils retrouvent, lorsque c’est à un départ à la retraite, un travail, une formation qu’ils auront pu acquérir avant de quitter l’institution.

Dans quelques semaines vous partez pour le Mali il faut que vous ayez rangé votre bureau et laisser tout en ordre derrière vous ?

En effet je dois avoir fini et clôturer tous les dossiers en cours, les plus sensibles qui sont de mon ressort tout en me préparant moi personnellement, tout en veillant à la préparation de mes hommes, tout en préparant aussi mon déménagement qui risque d’être compliqué puisque sur la région parisienne il y est difficile de se loger et je ne serai pas là pour assumer le déménagement. Pour le moment je n’ai encore pas trouvé mon futur logement.

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