Vers une situation de contentieux ?
Le promoteur de la villa Nirvana a déposé deux demandes de permis de construire, l'un conforme au PLUi en vigueur, l'autre en respectant les remarques de la commission d'enquête concernant son premier projet, l'OAP Nirvana. Or, le tènement de la villa a été rendu non constructible par le conseil communautaire, ce mardi soir.
Malgré les vives oppositions suscitées par son programme immobilier sur le tènement foncier d'une villa historique de la fin du XIXe siècle, Sacha Guinchard, dirigeant de l'atelier Alter Ego, ne lâchera pas l'affaire. Le promoteur vient de déposer deux demandes de permis de construire _ la première il y a trois semaines, la seconde il y a une semaine_ pour pouvoir mener à bien son projet sur la Villa Nirvana, dans le quartier de Boncelin.
Car son premier projet, nécessitant l'approbation d'une OAP, a été retoqué par le conseil communautaire ce mardi. Cette OAP permettait de déroger au PLUi en vigueur dans ce secteur classé en zone UD (pavillonnaire) en construisant deux répliques autour de la villa existante, se calant sur sa hauteur, à savoir 18 m. Construire plus haut que permis par le classement, mais sur une emprise au sol moindre pour préserver les arbres, tel était l'objet de cette OAP.
Le parc de la villa désormais non constructible
Dans son rapport, la commission d'enquête estime que l'OAP «est la procédure adaptée à la préservation-valorisation du bâti patrimonial et de son parc, dans un contexte d’urbanisation modérée du tènement foncier». Un avis assorti de quatre conditions : une protection renforcée des arbres remarquables, des hauteurs au faîtage des constructions à venir à mettre en cohérence avec le bâti environnant, un accès piéton à l’espace paysager valorisé traversant et ouvert au public et une identification de changement de destination possible pour la Villa Nirvana.
Tout est une question d'interprétation. Et c'est ce sur quoi s'opposent aujourd'hui Grand Lac et Sacha Guinchard, qui apportent à leur manière une réponse qu'ils jugent conforme aux recommandations de la commission d'enquête.
Ainsi, dans le cadre de la modification du PLUi, l'agglomération a décidé, ce mardi soir, d'inscrire le tènement de la villa en secteur ND (non constructible) permettant «une protection renforcée du parc». Elle ajoute au règlement graphique «un tracé de principe au cheminement piéton traversant» et rend possible un changement de destination, «ce qui va permettre la valorisation du bâti actuel», selon Marie-Pierre Montoro-Sadoux, vice-présidente de l'Agglomération.
Ce revirement de Grand Lac, consécutif à la mobilisation de nombreux opposants au projet, n'a pas donné lieu à de grands débats au conseil communautaire. «C'est le bon sens qui triomphe et ce n'est pas le promoteur qui nous dicte de changer le PLUi quand il veut faire plus de bénéfices par une augmentation des hauteurs des constructions», s'est simplement félicité André Gimenez (opposition). «J'espère que cela fera jurisprudence et que dorénavant nous serons plus attentifs à l'intérêt de la commune et de la communauté d'agglomération qu'à celui de certains promoteurs.» De son côté, Renaud Beretti, maire d'Aix-les- Bains et président de Grand Lac, a relevé que «les gens se sont exprimés et ils ont été entendus».
«Il y a une règle, il faut la respecter des deux côtés»
Peu de temps avant le vote de Grand Lac, Sacha Guinchard avait déposé deux demandes de permis : l'une respectant le PLUi en vigueur, l'autre apportant des modifications au projet initial tenant compte des quatre remarques émises par la commission d'enquête. «Tous deux préservent le site», assure le promoteur. «Déposer deux permis est une aberration économique, c'est coûteux, mais je souhaitais montrer que plusieurs projets pertinents existent à cet endroit-là. Nous avons tout le temps pour en imaginer plein d'autres à condition que les élus, les services, les riverains, et toute personne s'intéressant au projet veuillent bien discuter avec nous.»
Ces deux positions devraient aboutir à une situation inextricable, la décision envisagée par Grand Lac rendant impossible la réalisation d'aucun des deux permis déposés par Sacha Guinchard. Et pourrait surtout conduire à une situation de contentieux, et à un blocage de la modification du PLUi.
Sacha Guinchard ne cache pas sa colère. Il imagine mal «comment faire de l'urbanisme sur la base de récriminations d'un minimum de voisins directs de l'opération qui manipulent un maximum de gens ne connaissant même pas le projet. J'ai du mal à faire le rapprochement, si ce n'est électoraliste.» Pour lui, l'idée de rendre la propriété non constructible «n'est pas pertinente» : «On ne préserve pas quelque chose en le sanctuarisant. Si on fige la villa, on va la plonger dans un immobilisme réglementaire qui aboutira probablement à sa dégradation, alors que sa façade présente déjà des signes de fatigue.»
Le promoteur estime que «le rapport de la commission a force de loi. Ce serait inopportun pour la collectivité de prendre des décisions qui vont à l'encontre des lois, soit actuelles, soit futures. D'où ces deux demandes de permis, l'une pour la loi actuelle, l'autre pour la loi future, permettant de choisir et d'ouvrir le débat. Je ne lâcherai pas l'affaire car je crois dans les valeurs de la République. Il y a une règle, il faut la respecter des deux côtés. »
Accepter cet état de fait ouvrirait aussi la porte à l'avortement d'autres projets immobiliers, qui suscitent de plus en plus de crispations auprès de la population, d'une manière générale. La densification passe mal mais le besoin en logements est croissant dans les zones attractives. « Les négociations, les discussions de la démocratie participative autour des projets ne sont pas inutiles, mais font oublier qu'il y a une règle.»