Vivre avec l’Albenche aux 18e/19e siècles

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Explorer les archives des XVIIIème et XIXème siècles procure bien des surprises En voici quelques-unes concernant des évènements ou des personnalités plus ou moins connues.

Affluent de la Deysse, cette petite rivière impulsive traverse Albens. Elle se signale par ses crues dévastatrices tout au long de cette période, menaçant l’église, ravageant les routes. Cela n’empêche pas les hommes d’encombrer son lit de multiples barrages, lavoirs, moulins et artifices que les pouvoirs publics ne parviennent pas à réglementer. Les nombreuses archives conservées à Chambéry permettent d’élaborer une sorte de chronique des rapports qu’entretiennent les hommes d’alors avec leur rivière.

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Pour localiser l’emplacement de l’église au 18ème siècle.

Les colères de la rivière sont abondamment décrites par des témoins variés. Voici la relation faite en 1756 par le curé Fontaine «mardy passé du courant du mois de juin sur les quatre heures après midi, il vint une inondation si forte fondre conte la ditte église, qu’elle a fait pour ainsi dire un précipice continuel le long du grand chemin tendant de Pouilly à Albens depuis le premier endroit où l’on détourne la rivière de l’Albenche…Je crus l’église perdue, l’eau y entrait par la grande et la petite porte… J’avais déjà porté la clé au tabernacle lorsque l’eau enfonça le long du chemin une partie du mur de la grange du sieur Pierre Michaud…inonda les appartements de sa maison habités par des locataires jusqu’au point de noyer des enfants grands et petits si on ne les eus promptement secourus». En plus des dégâts matériels faits aux routes et édifices ce sont des vies qui sont mises en danger. Une situation qui entre en résonnance avec des évènements contemporains. Il en va de même pour cet autre témoignage en date de février 1812, rédigé par un représentant de la commune «Le ruisseau de l’Albenche, à la suite des pluies et de la fonte des neiges a rompu son lit à Pouilly et causé la plus grande partie des dommages à la grande route et à la route d’Annecy. Dans différents endroits, les chemins ont été coupés par les eaux». Dans une longue séquence climatique plus froide et humide nommée par les spécialistes «le petit âge glaciaire», ces phénomènes de crues reviennent périodiquement. Pas moins de douze crues majeures entre 1738 et 1867. De nombreuses autres informations sont à découvrir dans l’ouvrage de Paul Mougin «Les torrents de Savoie» et dans le mémoire de maîtrise d’Isabelle Gonard «La paroisse d’Albens au XVIIIème siècle».

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Plan de 1879. (Archives départementales de Savoie)

La menace des crues n’empêche pas les habitants d’installer toutes sortes de «mécaniques» et autres «artifices» dans le lit de la rivière. C’est le cas du sieur Jean Mermet dit Dagand qui dans les années 1820 possède plusieurs moulins et artifices (tourne et canal d’amenée). La crue de 1824 cause d’importants dommages à ses installations mais qu’importe, tout est réparé dans les années qui suivent. Barrages, moulins, scieries et lavoirs empiètent le lit de la rivière réduisant sa largeur, devenant ainsi de redoutables obstacles au moment des crues. Ces obstacles contribuent aussi à retenir des masses d’alluvions qui peu à peu exhaussent le lit de la rivière, rendant les crues encore plus redoutables. En 1805, une étude estime les volumes accumulés à plus de 1200m3. Le conseil communal va longtemps se heurter à la difficulté de mobiliser une main-d’oeuvre suffisante en nombre pour accomplir le gros travail de curage du lit de la rivière sur une bonne portion en amont et en aval du pont de la route royale. Ce n’est qu’en 1843, sur demande de l’Intendant, qu’une décision d’intervention est prise en mars par le conseil communal. Pour ne pas entraver la conduite des travaux agricoles tout en disposant d’une main-d’oeuvre suffisante, les conseillers fixent le début du curage «dans la première quinzaine de mai, époque où les travaux de la campagne pourront permettre ce travail et où l’eau ne sera pas un obstacle». Les équipes ne vont pas bénéficier longtemps des basses-eaux attendues car début juin, la rivière entre dans une de ses crues mémorables contraignant le conseil communal à informer l’Intendant que «le ruisseau s’est rompu ce dimanche en plusieurs points, a couvert la plaine et occasionné de très graves dommages aux récoltes et prairies». Les travaux ordonnés par l’Intendant seront remis à plus tard.

Une autre solution est envisagée par le gouvernement Sarde au début du XIXème siècle, construire une solide digue pour contenir les flots de l’Albenche. Ce sont principalement des ouvrages en terre qui vont être édifiés régulièrement et tout aussi régulièrement mis à mal par le cours d’eau. On possède un plan produit en 1879 par l’administration française des Ponts et Chaussées. A l’observation, on constate que les protections ne constituent pas un ensemble homogène et conservent les mêmes faiblesses que les réalisations de l’époque Sarde. Il faudra attendre les années 1910 pour qu’une digue de pierre solidement construite mettent fin aux irruptions de l’Albenche au coeur du village.

La coexistence des hommes et de la rivière n’est pas pour autant devenue un «long fleuve tranquille». Les modifications climatiques en cours doivent nous rendre prudents et humbles face à un cours d’eau certes petit, mais pouvant toujours se révéler «maousse costaud».

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