A 51 ans, Willy se lance dans le concours de meilleur ouvrier de France

Willy Ferrier s'entraîne déjà pour le concours. - Alexis Fernandez
Dans sa carrière, il y a des événements qui marquent un tournant. Et pour Willy Ferrier, le titre de Meilleur Ouvrier de France représente un peu le graal, alors il a décidé de se lancer dans le concours cette année.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m'appelle Willy Ferrier et je suis chocolatier depuis très longtemps, depuis mes 14 ans et maintenant j'ai 51 ans. C'est presque vieux pour ce que j'entreprends mais on va dire qu'il n'y a pas d'âge. Je suis chocolatier parce que j'ai toujours voulu faire ce métier sans vraiment savoir pourquoi.
Pouvez-vous récapituler un peu votre parcours ?
Je vivais dans une famille de boulangers-pâtissiers installés à Dardilly dans le Rhône donc j'ai eu une enfance heureuse et après mon avenir c'était la pâtisserie. Je suis sorti dès la quatrième du système scolaire. Je n'avais pas de problème scolaire mais j'avais vraiment envie d'aller dans le sucré donc c'est ce que j'ai fait et directement au lycée professionnel.
Après, j'avoue que j'étais déjà un peu suractif donc j'ai trouvé une entreprise pour le samedi, une entreprise pour le dimanche et je travaillais grosso modo tous les jours. Moi, ce qui me faisait rêver, c'étaient les bouquins et les gens qui commençaient à se médiatiser avec le col bleu-blanc-rouge des Meilleurs Ouvriers de France, et le désir profond de participer au concours est arrivé à ce moment-là. Le but du jeu était à l'époque de faire ce qu'ils faisaient sur les livres et après cela s'est précisé et je me suis plutôt orienté vers la chocolaterie-confiserie plutôt que la pâtisserie. Je ne me suis jamais arrêté depuis.
Vous avez vite travaillé à votre compte ? Parlez-nous de votre évolution ?
J'ai été chez différentes personnes mais assez peu finalement. J'ai fait une pâtisserie à la Croix-Rousse à Lyon. J'ai fait un restaurant gastronomique et après je me suis tout de suite installé dans le Rhône dans ma boutique en pâtisserie généraliste au début, puis ça s'est transformé en chocolaterie pure. Ensuite, j'ai été un des rares en 2010 à fabriquer mon propre chocolat à partir de fèves de cacao dans la nouvelle vague.
Il y a quand même des grands artisans dans les années 50-70 qui sont honorables tels que Bernachon à Lyon, Bonnat à Voiron, Pralus à Roanne et quelques autres, mais il y en avait très peu. Et il y a eu une nouvelle vague dans les années 2010 dont j'ai été un peu précurseur avec humilité parce que je voulais absolument faire mon propre chocolat, ce qui s'est confirmé après avec mes associés actuels dans les Bauges à Chainaz-les-Frasses.
Finalement, ma femme et moi avons décidé de liquider l'affaire dans le Rhône parce qu'on avait d'autres objectifs. Elle voulait redevenir institutrice et moi continuer sous un autre angle. Justement, avec mes associés maintenant on a des cacaoyers au Cameroun, donc au lieu de partir de la fève je pars de l'arbre pour arriver au client. Ce qui est une autre évolution encore plus poussée et ça continue. Maintenant, mon objectif personnel c'est le concours de Meilleur Ouvrier de France, chose qui est dans ma tête depuis que j'ai 14 ans.
Comment devient-on propriétaire d'un cacaoyer au Cameroun ?
Des cacaoyers, il y en a dans beaucoup de pays, mais notre choix s'est arrêté au Cameroun pour la très bonne raison que l'une de mes associées est camerounaise et que dans son village au Cameroun, les cacaoyers poussaient assez librement. L'idée c'était de faire une association pour améliorer les conditions de vie, l'hygiène du village et du coup on s'est associés pour en faire une entreprise, ce qui a donné Camayos.
Vous travaillez à plusieurs endroits ?
Ma famille habite toujours à Dommartin à Lyon et après, pour les exigences du travail, le laboratoire est à Chainaz-les-Frasses et l'association à Hauteville. Mais l'entraînement se fait obligatoirement à Chainaz-les-Frasses pour la bonne et simple raison que j'ai le matériel, les matières premières et ce qu'il faut pour m'entraîner.
Comment fait-on pour s'entraîner en parallèle de son travail habituel ?
Je pense qu'il y a déjà eu un entraînement physique et mental avant. C'est peut-être un peu mon avantage. J'ai un peu de bouteille en termes de résistance aux horaires et après je pense que quand on a un but et un objectif, on y met l'énergie. Donc après la production, on essaye d'optimiser le temps c'est vrai.
Mais je crois qu'on fait tous la même chose quand on a des objectifs importants, c'est-à-dire qu'on travaille à côté pour atteindre ce que l'on veut et on essaye de conjuguer les deux. Il faut optimiser le temps qui n'est pas extensible. Nous n'avons ni les dates ni le lieu de l'épreuve mais nous avons le sujet, pétri de réglementations, de dénominations légales et de virgules qu'il faut réussir à comprendre. Ensuite, il faut déterminer ce qu'on veut faire pour s'entraîner à le faire.
Est-ce que le sujet que vous avez est quelque chose de précis à réaliser ?
Il y a des sujets imposés. Il y a des choses très simples mais il y a des libertés pour réussir à fabriquer ce qu'il faut. C'est au candidat de se l'approprier pour en faire ses propres recettes et arriver à émettre ses propres produits avec sa personnalité qui sera appréciée ou non. C'est assez large et je pense qu'il faut le prendre dans cet état d'esprit de recherche, de technicité et d'avancement.
Comment s'entraîne-t-on ?
Je n'en suis qu'au début de la préparation. Évidemment, avant je me suis entraîné sur les grandes lignes de la chocolaterie et confiserie. Dans le sucré, il y a trois corporations pour ce concours qui sont glacier, pâtissier-confiseur et chocolatier-confiseur. Donc avant que les sujets tombent, on s'entraîne sur les grandes lignes de la tradition de la chocolaterie et confiserie. Une fois que les sujets tombent, on précise sur ce qui est demandé mais je crois que, pour avoir eu déjà une semaine d'entraînement, les produits ont évolué donc je pense qu'ils vont le faire sur 6 mois.
Est-ce que vous pensez qu'à un moment donné vous pourrez identifier précisément ce que vous voulez ?
Il y a un moment donné où il faudra en effet arrêter d'aller plus loin pour pouvoir le maîtriser en totalité. Il y a un mot qui revient régulièrement, c'est excellence, et ça concerne ce qu'on veut présenter. Mais maintenant j'ai bien compris qu'il n'y a pas de fin. Ce qu'on veut présenter, c'est à un moment précis mais je pense que lors de l'épreuve du concours, le produit aura encore évolué dans ma tête et ça ne sera pas tout à fait ce que je veux présenter donc je pense que ça ne s'arrête jamais. Un produit évolue tout le temps et je crois que c'est le but du jeu de le faire évoluer en permanence.
Que se passera-t-il pour vous si vous ne décrochez pas le titre ?
Chacun a sa vision des choses mais en ce qui me concerne, je ne le ferai qu'une seule fois. J'y mettrai toute l'énergie de mes 25 ans d'attente mais je ne le ferai qu'une seule fois. On fait ça pour obtenir le titre de manière un peu égoïste mais je ne suis pas maître du jugement donc je ne me prends pas la tête dessus.
Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir participé plus tôt ?
C'est quelque chose qui m'est resté dans la tête longtemps. Ensuite, j'ai abandonné l'idée pour des raisons que j'avais à ce moment-là. Et en fait, le concours s'est représenté à moi parce qu'une fenêtre s'est ouverte sur mon téléphone et c'était l'inscription au concours. C'est ce qui a matérialisé le retour de l'envie d'y participer. Et il est hors de question que j'aie des regrets dans ma vie donc je le fais parce que je dois le faire.
Avez-vous des sources d'inspiration ?
Oui, et d'ailleurs ce n'est pas forcément lié au travail. Ce qui m'inspire, ce sont les gens avec un bon comportement avec les autres et une façon d'être. Que ce soit dans la profession ou ailleurs, le respect est super important. On a le droit de ne pas comprendre quelqu'un mais j'ai du mal à comprendre qu'on retranscrive sa frustration sur quelqu'un d'autre pour se décharger. Moi, j'aime quand on est dans la transmission parce qu'on peut apprendre de tout le monde. Moi, j'ai appris énormément de mes apprentis.
Comment êtes-vous entouré pour le concours ?
Je suis entouré, c'est vrai. Déjà, on a créé l'association Wil'go pour arriver à générer l'approche financière parce que ça reste important. Et puis, il y a d'autres personnes qui peuvent m'aider en tout point, par exemple sur des dégustations régulières. Il n'y a pas besoin d'être dans la profession pour goûter et être critique.
Au niveau du coût, comment ça se présente ?
Le coût est minime officiellement. Le plus important à comprendre c'est que pour l'entraînement, évidemment, c'est à ses propres frais et pour la réalisation du concours, il faut apporter toute la marchandise et le matériel nécessaire à la réalisation, donc ça nécessite des frais qui sont assez énormes. Aller chercher des produits d'exception sur chaque point qui nous est important, ça a un coût. Après, il faut encore s'occuper de l'emballage, de l'étiquetage légal et emporter tout au frais donc avec un véhicule spécifique. La fourchette de coût est donc relativement importante.
Que fait-on des chocolats d'essai ?
J'essaie de limiter les quantités de chaque produit pour les essais et sur le chocolat il faut un temps d'attente pour savoir ce que le chocolat donne dans le temps donc on a tous les axes de séchage, moisissure et bactériologie. Comment le chocolat va perdurer dans le temps, finalement. Donc tous les essais, on les garde et on les note pour le suivi.
Si quelqu'un veut goûter vos chocolats, où peut-il le faire ?
Chez Camayos dans les Bauges. On fait aussi du café mais on ne fait pas ce type de produit. On fait beaucoup de tablettes avec d'autres chocolats. Là, c'est une autre production. Par contre, ce sera peut-être possible d'organiser une dégustation de produits d'entraînement. Pourquoi pas.